Carnet de Trail
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° MES TEMPLIERS 2002 °
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Dimanche 04/08/02, San Andréa di Bozio, Pascale Nasica émue, micro en main m'accueille à l'arrivée du Trail Via Romana où je l'emporte devant Dawva Sherpa. Neuf mois avant, elle était, en compagnie de son ami aux Templiers pour découvrir, en spectatrice, ce qu'est un grand trail. Entre ces deux épreuves, mon parcours et mes jours furent à l'image du profil d'une étape de montagne du tour de France,"entre gris clair et gris foncé", à avancer un peu trop seul, dans le souvenir d'une année 2001 riche en émotions, haute en couleurs, achevée en apothéose sur le plan sportif, mais me laissant au coeur une lancinante douleur (il n'y avait pas que le T.F.L.), me plongeant dans le désarroi:il est parfois des sommets qui, pour se préserver, restent de glace malgré les ferveurs du soleil !
Tant bien que mal, je prenais mes baskets et remportais quelques succès mais est-ce bien là essentiel ! Les beaux jours retrouvés, les ami(es) aussi, je me refaisais une santé, puis mon séjour sur l'île de beauté, l'accueil, les rencontres m'ont permis d'effacer le gris, de tourner enfin la page.
" Cela ne rapporte rien de vivre dans le passé, il n'y a pas d'avenir là dedans..."
Pour la première fois de l'année, je me suis mis à penser aux Templiers 2002, qu'il serait temps d'entreprendre une préparation spécifique à J - 10 semaines.

Mercredi 21/08/02, après cinq minutes de footing, une douleur aiguë à la face externe du genoux droit, la même qu'en novembre, mais de l'autre côté:le T.F.L., syndrome de l'essuie glace. Adieu séances d'entraînement, bonjour séances de Kiné... à partir d'aujourd'hui ce sera la douleur qui m'indiquera la marche à suivre. Tant bien que mal, je cours encore, m'accommodant de celle-ci, qui se rappelle vite à moi dès que je veux y aller un peu trop fort. Je dois la jouer fine:trop en faire j'alimente le mal, pas assez, je serais out aux Templiers. Plus l'échéance se rapproche, plus me revient cette question:J'y vais, j'y vais pas ?
C'est sûr qu'en tant que vainqueur sortant, je voulais répondre présent, défendre ce " titre " mais avant, tout revivre ces moments intenses, me nourrir de sensations et d'émotions que seule une épreuve de cette envergure peut engendrer. Mais peut-être valait-il mieux en rester là : une participation, une victoire dans la course de mes rêves en ayant fait une course sur un nuage. Ca ne pourrait être mieux, certainement... Et puis, cette année, la concurrence serait rude, car l'on passé j'ai ouvert une voie et fait des émules en mettant au placard certaines idées reçues sur la discipline. Et toujours cette douleur perturbante sur bien des plans qui risque de m'empêcher d'être à mon meilleur niveau, à la hauteur de l'événement. Que d'interrogations, d'incertitudes, de doutes...


Lecture de l'Equipe au sommet du Vignemale 3/07/06 c'est aussi ça la rando-trail...

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Est-ce notre inconscient qui, dans ces moments, où l'on a besoin d'être rassuré, de trouver des réponses, provoque des coïncidences parfois surprenantes ? Ou est-ce par ce que nous sommes plus fragiles, sensibles donc réceptifs à certains signes ? Toujours est-il que le tout premier me fit esquisser un sourire amusé lorsque, par ce hasard qui, dit-on, n'en est point, me permit de retrouver, alors que je le croyais à jamais perdu, le parcours et profil des Templiers 2001 sur lequel j'avais griffonné quelques notes...! Et un autre jour, à la télé, cette émission citant Marc Twain sur lequel j'achevais ma lettre voici un an... puis finalement, ce roman parmi bien d'autres qui m'interpella, dont la couverture représente un personnage de BD courir sur fond de montagne. Son titre:" Va au bout de tes rêves " dont vous pouvez apprécier quelques extraits entre " " et qui, finalement, plus ou moins inconsciemment, m'aura guidé depuis septembre.
Quoiqu'il en soit, si ce n'est comme coureur, ce sera en spectateur au moins pour me replonger dans cette ferveur, retrouver l'âme et l'esprit d'une course qui, en une participation m'a, elle, tant offert. Je lui dois bien cela. Pourtant, je sais que j'en aurais gros sur le coeur de ne pouvoir la vivre de l'intérieur.
Alors, ces quelques signes avant-coureurs m'ont conforté:je serais acteur.
"...J'irais où mon rêve me porte, mettre de la magie dans ma vie, il n'y a pas de bonnes, ni de mauvaises décisons... le plus grand risque dans la vie c'est de ne pas en prendre...la régle de toute décision c'est l'action... la pensée paralyse l'action...".

Jeudi 17/10/02, allo, Odile au bout du fil, je serai là...Le lendemain, à l'entraînement, avec René un collégue qui m'a mené vers la course à pied et qui me connaît pas mal, me fait cette réflexion " Ca y est, toi tu l'as dans la tête !" C'est vrai, j'y pensais un peu plus chaque jour. Sans pression, mais avec motivation, concentration. Pour mieux m'imprégner, me conditionner pour ce défi, j'ai revisionné la cassette, les photos, les articles, écouté Era... J'en parlais avec passion autour de moi... bref, la roue était en marche.

Vendredi 25/10/02, en fin d'aprés midi, à bord de mon "escargot", les derniers rayons du soleil d'une journée maussade percent le manteau nuageux pour colorier, d'un orangé chaleureux, les falaises des Causses au-dessus de Millau. A la radio, une vieille chanson de Goldman, " les sages et beaux paysages font les hommes sages aussi..." Certainement un bon présage !...
Dans la vallée de La Dourbie, je ne verrai ni Cantobre, ni le parcours final, mais je le sens, il est là dans la pénombre, mon coeur frappe fort sur la musique Celtique, me voici dans le temple.
Je prends mes quartiers, premier repas façon Denis Riché, vivement demain pour plus de compagnie.


Le podium des Templiers 2003 avec de gauche à droite Jérome Trottet, Gil Besseyre et Eric Sagnar

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Samedi 26/10 p'tit déj. façon D.R. ! Allez, direction les dossards, la liste des engagés, y'a du monde et du beau monde ! 1re file, 1re colonne, 1re pile, bonjour madame, dossard 1, bip, 1ères rencontres, 1ers témoignages de sympathie, toujours surprenants et qui touchent vraiment, comme presque à chaque déplacement : "Je ne pensais pas avoir un jour le plaisir de te serrer la main" "Ta lettre dans Endurance, superbe !" Ton témoignage, c'est exactement ce que j'ai ressenti. Je me suis souvenu de ta citation, jette ton coeur... ça m'a aidé pour finir..."
Je discute, je bavarde, je raconte pour la énième fois ma course, sans m'en lasser, le temps passe vite, trop vite. Trente minutes de footing sur la fin du parcours, demain, ici, savoir si... étirements, la chasse à la balise est lancée, douche, déjeuner, avec tout ça il est déjà 15 h ! à peine le temps de faire une sieste, je ne veux pas louper les Templières, déjà si nombreuses, allez les filles !
Encore un regard, un sourire, un salut, quelques mots, des rencontres, des échanges dont je ne me fatigue pas, quitte à y laisser du "jus". "Le bonheur de partager, celui qui ne partage pas est infirme de ses émotions". Peut être que je puise aussi ma motivation dans ces échanges, dans nos chemins qui se croisent". C'est aussi ça les Templiers, c'est surtout ça la vie. La bise à Yamna, je croise Christophe Jacquerod, un grand nom dans le monde du trail, une réfèrence, un Monsieur que je n'ai encore jamais rencontré. Je l'aborde, on discute, plutôt réservé ou déjà dans la course ? nous ne savions pas que le lendemain nous allions partager un bon bout de chemin...
Déjà 20h00, dernier repas à la sauce D.R. ! un tour dans les rues, un verre au Relais Soleil avec Yvan, encore quelques rencontres.
Retour au camping-car, derniers préparatifs : bidons, sachets de poudre, pâtes de fruits, gels, la tenue, je coupe les manches ? on verra ça demain. En tout dernier, je froisse le dossard, l'épingle, suspends le tout à la porte de l'armoire, c'est sûr j'ai bien dû l'emporter l'an passé ! Il est déjà tard, je repasse quelques phrases soulignées de mon roman "... Aujourd'hui, que ce mot est beau, il y avait tant d'aujourd'hui à vivre, mais je n'ai vécu que pour des demains..." enfin, vivement que ce demain soit aujourd'hui, réveil à 3h45, ça suffira bien. Bonne nuit.





Passage devenu mythique sous la célèbre falaise de Cantobre aux templiers 2002

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Un peu plus tard ou plus tôt ? déjà éveillé, j'ai rêvé que je courais. Comme si on en aurait pas assez tout à l'heure ! La vache ! 2h30, je sommeille jusqu'à 3h30, me lève, dehors le brouillard, rien d'inquiétant, on annonce beau temps. Mais je garderai les manches. P'tit déj. léger, ancore quelques lignes de mon roman, pour passer le temps ou me rassurer ? Strapping, tenue, allez la pierre de lave, tout juste ramenée par mon cousin du Piton de la Fournaise. J'ai tout, OK, 5h30, il est l'heure.

La foule, bip, un très bref échauffement, Gilles qui met le feu, je me place devant, sur la ligne, quel bel hommage, et cette minute si respectée, émouvant. Puis l'hymne des Templiers, droit comme un I, les bras ballants, le regard haut, droit dans la nuit,aujourd'hui, rendez-vous avec vous-même... Cette fois-ci, c'est parti !
Quelques foulées plus loin, plus haut, des centaines de lucioles immergeant du brouillard viennent saluer les étoiles sous le clair d'un demi lune, à l'Est, les Cévennes rougeoyantes annoncent une belle journée. Le décor est planté.
Malgré ce paysage idyllique, tout ne va pas au mieux. Comme me le dira un coureur " toi tu as des problémes avec la logistique !" Effectivement, en l'espace de 10 km, j'ai bien tombé six fois un bidon et dû rafistoler son étui avec l'une des épingles du dossard.
Cette année, c'est parti vite, je suis resté devant dès le début car, avec le plateau au départ, mieux vaut éviter de jouer trop la tortue... Je ne sais pas où on est partis ainsi mais ça va être une sacrée journée, ai-je dit à Thomas... Après St Guiral, dans la descente, une branche dans les lacets, je me tords la cheville une première fois, puis deux et trois dans le kilomètre qui suit, le moral n'y est plus... Comment pouvoir rallier Nant avec cette cheville fragilisée (je la connais bien), comment pourrait-elle tenir le coup avec ce qu'il reste au menu, sûr qu'une fois, je vais me la flinguer pour de bon, je me vois même mettre le clignotant à Dourbies. Enfin, je suis... presque fataliste. Au ravito, ça continue, une minute dans la vue, le peloton a explosé, tant pis pour moi, j'avais qu'à m'organiser une assistance... Bien plus loin, au-dessus de Trêves, après que nos trois derniers compagnons nous aient abandonné l'un après l'autre, à notre destin, dans la foulée de Christophe, et deux minutes à jardiner pour revenir sur le droit chemin, je n'avais qu'à, moi aussi, ouvrir les yeux !


La longue chenille aux multiples couleurs s'étire, s'étire...

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Et finalement, passent inlassablement les kilomètres. Il arrive un moment que l'on perd la notion du temps, de la distance, dans cet espace infini, à notre place. Je me surprends même à pense:plus que 15 bornes, c'est bientôt la fin ! Tiens, Christophe doit commencer à fatiguer, puisque enfin, je peux le passer, histoire de relayer. Au fait, je suis toujours dans la course pour le podium, malgré tout ça ! mais pour la couronne, c'est mal barré ! 7 minutes de retard à Cantobre, faut plus rêver, quoique... tout à l'heure, dans la montée après Trêve, je fus traversé par l'émotion, sur les traces de mon échappée de l'an passé. " L'émotion apparaît lorsque vous refusez la situation dans laquelle vous vous trouvez..." Le problème, c'est que depuis le départ, et même bien avant, je me situais dans la pensée. " La peur de perdre nous fait perdre, créer l'urgence oblige à prendre une décision, pas de discussion, de pensées..." Là, pour urgence, cest gagné ! Alors, malgré mes craintes, j'ai fait comme si " Chaque fois que j'hésite parce que je pense ne pas pouvoir réaliser une chose, je feins de le pouvoir, cela marche parfaitement..." Alors, je me suis lancé après le temps:" Le temps est la denrée la plus rare et donc la plus précieuse de l'univers. Il n'y a qu'une façon d'en profiter, c'est de se situer dans l'action. Penser ne sert à rien... je veux rattraper le temps perdu, la sécurité n'existe pas, tout peut arriver..." Oui, tout peut arriver, et " le plus grand risque dans la vie, c'est de ne pas en prendre ".A cet instant, tout bascula. Je me surpris d'un pas ferme, empoignant les sapins dans le plus fort de la pente, relançant immédiatement tout en vélocité dès que le terrain s'y prêtait. N'acceptant pas de rendre les armes sans combattre. Est-ce le Roc Nantais qui m'attirait ainsi comme un aimant, ou la pierre de ma sacoche ? (certaines langues perfides et jalouses trouveront une explication toute faite et des plus rationnelle...). Toujours est-il que je ne voyais plus Christophe et me prenais à rêver, et si je revenais sur Jérôme, quel suspense, quel scénario pour l'épreuve, le public là, en bas, de l'autre côté ! Enfin, restons les pieds sur terre. Le challenge sera, déjà, de reprendre le plus de temps. Mais il faut croire que je me sustente de rêve. Ce plateau roulant, interminable, où je me sens pousser des ailes, presque à courir comme il y voilà 15 jours à faire des 3000 mètres avec René et Cyril, ce qui, cette saison, ne m'est pas arrivé souvent ! Sûr que l'écart doit fondre comme neige au soleil, je sens qu'il va se passer quelque chose, il se passe quelque chose, c'est certain, c'est écrit.


Grand moment d'émotion pour la première découverte des sentiers Templiers en octobre 2001

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A Martoulet, le verdict tombe:une minute ! Rien n'est perdu, incroyable, tout est jouable. Allez, déroule . Puis soudain, une silhouette, furtive derrière les pins, à portée de main. Jérôme ? oui, c'est bien lui. A cet instant, je suis à l'image d'un tennisman ayant la balle de match, le bras presque fébrile au moment de conclure. Encore quelques mètres et je serai dans sa foulée, j'ai ralenti, je sais que pour lui, bientôt, le rêve va s'écrouler, tourner au cauchemar. Je ressens comme une sorte de culpabilité. Lorsqu'il m'entend et se retourne, les traits de son visage sont éloquents. Moi, euphorique après mes déboires des heures passées, je ne lui laisse pas le temps de gamberger." allez ", lui dis-je enthousiaste, exalté en plongeant en tête, pour la première fois de la journée, dans les prémices de la descente effectuée à tombeau ouvert, prenant quelques longueurs dans les portions " propres ", ralentissant (encore lucide pour ma cheville) dans celles techniques. De relances en enfilantes, entre chênes et haies de buis, murets de pierres sèches, déjà le clocher nantais ! Dernier bout droit sur le sentier, je vire à gauche la butte, à bloc, comme en cross, le pont, à droite l'aire d'arrivée, la clameur. J'imagine cette jeune fille, en main, la couronne de lauriers... C'est étrange, quelque chose ne cadre pas dans ce tableau, je ne le sens pas ainsi, j'hésite, je coupe mon effort. Gagner après un sprint effréné, même mérité, traverser le parc comme des chiens fous, cela ne colle pas aux Templiers. je me retourne, main dans la main Jérôme? Ok, Ca marche et c'est bien plus beau et émouvant pour chacun, acteurs, spectateurs, organisateurs. Cette année, s'il coule quelques pleurs, elles seront de joie et d'émotion.

Tu vois Gilles, finalement, tu as eu bon nez d'élargir la porte d'arrivée ! La victoire n'est-t-elle pas encore plus belle, ainsi partagée, des premiers aux derniers Templiers? Ah au fait, je ne vous ai pas dit sur quelle phrase, ce matin, j'ai refermé momentanément mon roman? " Tu vois, me dit la petite voix, n'ayant pas eu peur de perdre, tu as gagné !"....

Quelle magnifique journée !

Ces coïncidences ! La veille, Thomas qui me demande si en cas d'arrivée à deux, je le ferais main dans la main !!! Ca, je ne peux le dire à froid,lui avais-je répondu. Ca dépend des circonstances de course, de la personne, de l'instant. C'est une décision qui vient avant tout du coeur plutôt que de l'esprit, de la passion plutôt que le raison....

Et puis, lundi 16 heures, après avoir profité pleinement de cette journée ensoleillée, en passant saluer Yvan, dans le hall du Relais Soleil, les premières notes à la radio d'une chanson que je connais trop bien: " Je ne me souviens que d'un mur immense, mais nous étions ensemble, ensemble nous l'avons franchi..." Mince alors, ça, c'est trop fort!!!

" La boucle est bouclée " et de Nant à Nant que le chemin parcouru peut être surprenant! Bon, je vous souhaite un bon hiver, moi, j'ai engrangé des images et des sensations qui me réchaufferont longtemps. Je vous dis à l'année prochaine pour un nouveau scénario.



Jamais 2 sans... toi... victoire à la Grande Course des Templiers pour la 3ème fois en oct 2001

Allons au bout de nos rêves,
rêvons la vie vivons nos rêves